L'organisation territoriale du royaume de France à l'époque moderne est un sujet compliqué. De nombreuses entités administratives se partagent le territoire, avec des rôles pas toujours distincts, et se chevauchant parfois et l'agrandissement du royaume entre le XVI et la fin du XVIIIe siècle ne fera que développer encore plus cette diversité de situations administratives. Le Royaume de France a également un héritage important de la période médiévale qui verra donc se rajouter par dessus une administration moderne issue du désir royal de mettre en place une administration plus centralisée et plus moderne. Entre tradition et modernité, comme le territoire français s'organise t-il à l'époque moderne ? Pour répondre à cette question nous verrons d'abord les trois cadres principales de l'organisation territorial du royaume que sont les pays d'élection, d'états et d'imposition, puis nous verrons les trois types d'entités administratives qui se partagent ces pays nommés précédemment, avant d'aborder les structures traditionnelles du territoire français à l'époque.
La France est divisée administration en trois sortes de situation. Il y a tout d'abord les pays d'élections, domaine par excellence de l'administration royale qui comprenaient la majeur partie du territoire français, en particulier son centre, et qui se délimitaient avec la Picardie, la Champagne, l'Auvergne, la Gascogne et l'Anjou. Ces pays se caractérisent par l'absence d'assemblée représentative, et les agents du roi, les intendants assumaient seuls l'administration avec l'aide d'élus locaux, élit dans le cadre des bailliage et des sénéchaussées, et d'administrations fiscales, comme les receveurs généraux ou les bureaux des finances. En 1715 il y avait 18 généralités à la tête de ces pays d'élections : Paris, Amiens, Soissons, Châlons-sur-Marne, Lyon, Montauban, Bordeaux, Limoges, Poitiers, La Rochelle, Orléans, Tours, Bourges, Moulins, Riom, Rouen, Alençon et Caen.
Les pays d'états se caractérisent pas des assemblées provinciaux réunissant les trois ordres, qui administrent le pays dans une mesure plus ou moins large avec les agents du roi. Ces pays d'états sont marqués pas une certaine autonomie. Au XVI ces états étaient nombreux, mais au cours du XVII un bon nombre d'états provinciaux disparurent à la suite de réformes introduites par la monarchie, qui souhaitait introduire en pays d'état le système électif, par exemple de 1630 à 1673 cette politique entraîna la disparition des assemblées provinciales des provinces du Sud Ouest de la France et donc leur intégration en pays d'élection. Cette politique échoua cependant dans d'autres provinces, comme en Provence, en Languedoc et en Bourgogne vers les années 1630. Au XVIIIe siècle on fait une distinction entre petit et grand pays d'états ; les petits se situant dans le Nord du pays et dans les Pyrénées tandis que les grands étant la Bretagne, la Bourgogne, la Provence et le Languedoc. Ce type d'état était très efficace, si bien que le roi Louis XVI voulait entendre le système, certes modifiés, à d'autres provinces sous le nom de « Assemblée provinciale ».
Les pays d'imposition on un cas plus complexe. Ils étaient au nombre de 8 à la veille de la Révolution : La Flandre et l'Artois, la Hainaut et le Cambrésis, la Lorraine et le Barrois, les Trois Évêchés, la Franche-Comté, l'Alsace, le Roussillon et la Corse. Toutes ces provinces avaient des status divers. Certains avaient conservés leurs états avant l'annexion à la France, c'est le cas des provinces du Nord et de la Corse, mais ces états avaient un rôle très représentatif et n'avaient pas le même fonction fiscale que des états réunis plus anciennement à la France. D'autres de ces provinces avaient vus leurs états supprimés lors du rattachement au Royaume de France et remplacés par des généralités, comme à Metz en 1661. D'autres provinces enfin avaient un caractère hybride, mêlant ainsi pays d'état et d'élection, comme ce fut le cas dans les intendances d'Auch et de Pau au XVIIIe siècle. En fin de compte les pays d'imposition au sens strict du terme étaient peu nombreux : L’Alsace, la Hainaut, le Cambrésis, la Lorraine et Barrois, et le Roussillon ; dans ces provinces ci, seul l'intendant était administrateur, sans le concours d'assemblée locales, de bureaux des finances ou même d'élection. Enfin, nous pouvons noter que curieusement l'administration royale faisait figurer ces états dans la liste des pays d'états malgré l'absence d'états provinciaux.
Un gouvernement était une circonscription placée sous l'autorité d'un gouverneur qui représentait la personne du roi. Ils furent créé au XVe siècle et recouvraient alors de grandes provinces frontalières. Les gouvernements répondaient aux nécessités suivantes : maintenir l'ordre et assurer la défense du royaume, en particulier durant la guerre de cent ans. Ces gouvernements étaient à l'origine très souples, ils naissaient et disparaissaient selon les besoins du royaume, et ce fut encore le cas tout au long du XVIe et XVIIe siècle. Le royaume comprenait 11 gouvernements au début du XVIe siècle : Paris et Île-de-France, Bretagne, Normandie, Picardie, Champagne et Brie, Bourgogne, Lyonnais, Dauphiné, Provence, Languedoc et Guyenne et se démultiplièrent entre le milieu du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle en vu de satisfaire les grands seigneurs et de les rendre moins dangereux en leur confiant des circonscriptions moins étendues. On démembra alors des gouvernements, comme celui de l’Orléans et on en créa de nouveaux dans les provinces nouvellement réunis à la couronne tel le Béarn ou les Trois-Évêchés. Nous avions donc à la fin du règne de Louis XIII 26 gouvernements. Cette structure sembla se stabiliser vers 1661 et suite à une ordonnance du 18 mars 1776 à 39 gouvernements, dont 18 dit de première classe, réservés aux princes de sang et aux maréchaux de France, et 21 gouvernements de seconde classe, réservés aux lieutenants généraux des armées du roi.
Une généralité était une circonscription administrée par des trésoriers généraux et des intendant dans les pays d'élection, c'est une circonscription assignée à une charge fiscale. Cette institution, dont la naissance peut remonter au XVIe siècle lors de l'édit de Cognac en 1542, est l'une des premières institutions modernes dont la France fut doter. Cet édit mis donc en place 16 recettes générales où devaient être centralisés les revenus du domaine, de la taille et des autres taxes. L'institution subit de nombreuses réformes au cours de la période comme en 1577 où à l'occasion de l'édit de Poitiers que Henri III fusionna les fonctions de trésorier de France et de général des finances ; cet édit créa en définitive un organisme nouveau : le bureau des finances. Cette institution évolua donc rapidement, au début du XVIe siècle ses membres étaient des gens de conseil et de gouvernement, et à la fin du même siècle ils étaient devenus des agents provinciaux. Les effectifs de ces charges grandirent jusqu'au début du règne de Louis XIV, malgré un coup d'arrêt sous Henri IV. Lors d'un édit en 1627 les bureaux des finances obtinrent la juridiction du domaine et de la voirie, charge qui était alors exercée par les bailliages et les sénéchaussées. Les bureaux des finances devenant ainsi également des tribunaux. En 1788 il y avait 27 bureaux des finances : cinq en pays d'états et trois dans les pays d'imposition.
L'intendance était une circonscription administrée par un intendant et qui se confondait en pays d'élection avec la généralité, et dans les pays d'états avec la province. Ce terme d'intendant n'est qu'accepté qu'à partir de la seconde moiter de l'époque moderne. Les intendants sont nés au XVIe siècle sous Henri II qui, pour renforcer le pouvoir royal dans les provinces nouvellement annexées créa des superintendants des finances et de la justice. Ces commissaires répondaient aux besoins des gouverneurs de ces provinces et au roi un moyen de contrôler ces derniers. Durant les guerres de Religion l'idée de placer des surintendants ou des intendants de justice et de finances, nommés par une commission, auprès des gouverneurs se développa par suite de l'augmentation des effectifs et de l'extension des tâches confiés à ces derniers. Face à l'incapacité des parlements et autre cours à régler les troubles la monarchie prie l'habitude d'envoyer des commissaires. Henri VI perpétua ceci mais pris l'habitude de confier plus d'indépendance à ces commissaires, il eu alors un relâchement des liens qui unissaient gouverneurs et intendants. Sous Louis XIII les intendants se divisèrent en deux fonctions : Les intendants d'armée et les intendants de province même si il n'y en avait pas encore dans toutes les provinces et en permanence. Malgré un frein à l'extension des intendants à cause de la situation du royaume au milieu du XVIIe siècle, au début du gouvernement personnel de Louis XIV la quasi-totalité des provinces et généralités étaient dotés d'intendants. Colbert étendit le pouvoir et l'autorité des intendants. Vers la fin du règne de Louis XIV il n'y avait plus d’interruption dans la succession des intendants : Au XVIIIe siècle l'institution de l'intendance est enfin solidement établie. Cette institution eu donc plusieurs tâches : La justice, la police et certaines fonctions financières, dans les pays d'imposition l'intendant avait l'entière administration des impôts. En 1789 il y avait 32 intendances dont 20 en pays d'élections.
Il faut définir en premier lieu la province qui est une notion complexe ayant une connotation politique, culturelle et dans certain cas administrative. Roland Mousnier la définit comme "une étendue territoriale caractérisée par une civilisation commune, un ensemble de coutumes, de traditions, de privilèges exprimant une personnalité morale et des intérêts communs, dotée d'organes politiques permettant de former et de manifester une volonté commune". Il ne faut donc pas oublier que la province n'est pas le cadre d'une circonscription administrative particulière sauf en pays d'état et pays conquis ; et les circonscriptions ont toujours portées des noms différents, comme gouvernement, généralité et intendance, institutions que nous avons développés plus haut.
D'autres structures plus traditionnelles encadrent également le territoire, et sont souvent délégués aux institutions que nous avons vu précédemment. La prévôté pas exemple remonte XIe siècle et s'occupaient de la justice du tiers-état, la suppression de la prévôté fut effective qu'en vertu d'un édit en 1749. Les baillis et sénéchaussées rendent justice et sont chargés de l'administration militaire dans la cadre féodale ; enfin il centralise également les recettes des impôts. Cependant vers le XVIe siècle la fonction évolue pour ne conserver que les attributions militaires, elles même très restreintes. A l'époque moderne les bailliages et sénéchaussées ne s'occupent plus que des petites affaires judiciaires de la noblesse. Les présidiaux furent créés en 1552 par Henri II, et avait un degré de juridiction intermédiaire entre les bailliages et les parlements, on en comptait une centaine à la fin du XVIIIe siècle. Enfin, les parlements et cours supérieures sont issus de la Curia Regis de l'époque féodale. Le parlement était l'outil essentiel du roi pour rendre sa justice et lutter contre celle des seigneurs et de l’Église : le parlement jugeant sur appel. Enfin les parlements enregistraient les ordonnances royales et usaient d'un droit de remontrance pour signifier le désaccord parlementaire à la loi, mais le roi pouvait passer outre. Le pouvoir royal tenta plusieurs fois de supprimer ce foyer de résistance à l'autorité du roi et de prétention politique, comme lors de l'édit de Lamoignon en 1788 où on leur enleva l'enregistrement des ordonnances. Il y avait 13 parlements à la veille de la Révolution.
Le diocèse est la structure territoriale la plus ancienne du royaume de France et également la plus simple à délimiter sur une carte car uniquement formée de paroisse. Ces même paroisses formèrent également la base pour délimiter les frontières des élections et des généralités. Ainsi les paroisses ne se bornaient pas uniquement à une circonscription ecclésiastique, mais servaient également de base pour les cellules de l'administration fiscale.
En définitive, l'organisation territoriale du royaume de France à l'époque moderne est très complexe. Faisant preuve d'une modernité en matière fiscale, et étant un outil pour affermir l'autorité du roi sur le territoire français, l'administration repose tout de même sur des structures plus traditionnelles issues de l'époque médiévale. Loin d'écraser ces anciennes institutions, le roi les détournera plutôt pour les intégrer dans ses nouvelles institutions plus moderne, donnant lieu à une importante diversité territoriale, sacrifiant l'ordre administratif au profit de la cohésion nationale. Enfin même si ces institutions furent balayer par la Révolution française, elles laissèrent tout de même des traces. Comme pour la localisation de certaines cours d'appel, ou les péages autoroutiers.
Bibliographie :
Bernard BARBICHE ; Les institutions de la monarchie française à l'époque moderne ; Presses Universitaires de France ; 1999 ; 430 pages.
François OLIVIER-MARTIN ; L'administration provinciale à la fin de l'Ancien Régime ; Librairie générale de droit et de jurisprudence (LGDJ) ; 1997 ; 436 pages.
Guy SAUPIN ; La France à l'époque moderne ; Armand Colin ; 2010 ; 238 pages.
Michel ANTOINE ; Le cœur de l'état ; Fayard ; 2003 ; 592 pages.
Sitographie :
Brigitte MONTEAGLE, «PARLEMENTS, histoire», Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 19 octobre 2014, URL :
http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/parlements-histoire/Universalis, « DIOCÈSE », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 19 octobre 2014, URL :
http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/diocese/Jacques Dubois, La carte des diocèses de France avant la Révolution, Persée [en ligne], consulté le 18 octobre 2014, URL :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1965_num_20_4_421815Vie publique, Histoire de l'administration, vie-publique [en ligne], consulté le 18 octobre 2014, URL :
http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/histoire-administration.htmlUniversité des Antilles et de Guyane, Histoire de l'administration, Université des Antilles et de Guyane [En ligne] URL :
http://www.univ-ag.fr/modules/resources/download/default/doc_fac_droi_eco/Espace_informations_et_telechargements/Plans_de_cours_et_documents_TD/Plans_de_cour_Fac_Eco-Droit/Histoire_du_droit/plans_cours_LS2/L%20S2%20histinst%20102-Studility%20Histoire%20de%20l%20administration.pdf