Peuples et Nations - 1830

Un attaché protocolaire arrive à marche rapide jusqu'à Andrew Jackson et lui glisse une note sur son bureau. Le président en prend connaissance, demande le silence à l'assemblée, puis se lève et prend la parole.

"Messieurs, une délégation ottomane va arriver à Washington d'ici peu. Nous allons devoir revoir légèrement le plan de table pour lui faire une place. Les discussions sont donc interrompues le temps que cette question logistique soit réglée et que l'ambassadeur ottoman prenne place. Je vous invite à gagner le salon voisin pour une collation improvisée."

"Par la volonté de Mamhoud II, protecteur des croyants et de mille autres choses et grand sultan Ottoman, me voici pour vous empêcher de renouveler l'erreur historique que vous aviez déjà commise il y a 9 ans. La sublime porte ne saurait accepter des discussions visant à concéder du territoire aux grecs. L'empire Ottoman n'a pas vocation à céder sans combattre à des diplomates enrubannés dans des salons dorés à l'autre bout du monde.

Je me vois désolé d'employer la menace pour vous faire comprendre ce fait, mais si les discussions ici débouchent sur un accord entre beaux-parleurs de rencontre pour permettre une illusoire liberté à un pays tout aussi illusoire, je le jure, nous écraserons la Grèce et nous arrangerons pour qu'elle ne puisse plus jamais prétendre à l'indépendance sous quelque forme que ce soit !"

A l'extérieur du palais, la "délégation" Ottomane observe les quartiers grecs avec insistance ...

Alexandre Pouchkine, qui s'apprêtait à répondre à l'émissaire Sikh, s'interrompt pour écouter le président Andrew Jackson, puis l'envoyé ottoman. Aussitôt celui-ci a-t-il terminé de s'exprimer, le poète se redresse et proclame :

"Monsieur, il serait en effet judicieux que l'Empire Ottoman soit présent à un traité par lequel il est concerné directement. Il n'est néanmoins pas assuré que ce traité soit signé en ce jour, puisque nous discutons présentement d'autres affaires. Ce qui est certain, en revanche, c'est que la guerre contre la Grèce vous a déjà coûté plusieurs dizaines de milliers de vies, ce qui semble fort impressionnant pour une soi-disant illusion, et que sa conclusion il y a un an ne s'est pas faite à votre avantage. Vous pouvez vous opposer à ce que la Grèce obtienne davantage de territoires, mais je vous suggère d'envisager la voie diplomatique avant d'en venir aux armes. Son indépendance, cependant, est avérée de facto, et je vous déconseille fortement de ne pas vous opposer à sa reconnaissance de jure. Car soyez assuré que si la Grèce appelle à l'aide, la Russie répondra."

Friedrich Gogenheim haussa un peu les sourcils lorsque les Ottomans ont débarqué en plein milieu de l'assemblée alors qu'il s'apprêtait à se lever pour reprendre la parole. Il se leva néanmoins.

Bien que ce fut bien malséant de la part de ces émissaires qui n'ont pas daigné répondre favorablement à l'appel du congrès de nous interrompre en plein débat. Il faut que je m'explique sur certain point que j'ai peut être laissé obscur lors de ma première intervention.

Pour moi le personnel en mission diplomatique dans un pays doit se conformer aux lois en vigueur dans le dit pays. C'est la moindre des choses en matière de savoir être diplomatique. Cela ne signifie pas pour autant que le pays hôte doit par le biais de ses forces de sécurité venir importuné à la moindre occasion le corps diplomatique. Je pensais que les gentilshommes que nous sommes et qui avons pris le temps de s'assoir autour de la même table pour en parler pouvaient comprendre ça, mais visiblement mes paroles ont été mal comprise. Le but de ce traité et justement de faire appliquer les mêmes règles à tous les membres qui seront signataires. Je vais donc essayer d'exposer mon point de vue d'une manière plus claire pour que tous comprennent la même chose.
Nous estimons que la loi dans notre pays est importante et doit être respecté de tous de la même manière. Il est difficilement concevable qu'une délégation étrangère viennent sur nos terres et puissent impunément bafoué nos lois sans que nous puissions juger de leur tord par nous même. Cela est surtout valable pour les différences de peines encourues. Nous souhaitons que la sentence soit prononcé par le pays hôte car le pays émissaire est peut être plus laxiste sur certains délit.
En fait cela peut se résumer très simplement. Nous ne souhaitons pas que les ambassadeurs disposent d'un statut particulier faisant office de passe droit pour outrepasser les lois en vigueur dans le pays hôte. Tout simplement.

Pour aborder le point de la propriété de l'ambassade, il est clair qu'en cas de problème en Autriche par exemple, nous Bavarois ne sommes pas apte à intervenir pour régler les problèmes autrichiens.Par conséquent, il est impossible pour nous de concevoir qu'une ambassade soit la propriété d'une nation étrangère. Elle devrait être propriété du pays hôte qui pourra alors y faire directement intervenir ses forces sans souci de "frontière" légale.

En parlant des forces justement. Pour moi il est impensable de douter de notre efficacité à remplir une simple mission de protection. Ce traité est là justement pour vous faire prendre conscience du devoir de protection des diplomates. En conséquence il est évident que ce sont les troupes du pays hôte qui doivent protégé les diplomates. Le pays doit faire tout pour mettre en œuvre les dispositions nécessaires pour protéger le corps diplomatique, c'est le but de cette conférence, je vous le rappel.

Enfin je parlerais de la correspondance des ambassades. Il me semble évident que le pays hôte a un devoir de discrétion qui doit se faire vis à vis du pays en mission diplomatique, et ceci devrait s'étendre au delà de la correspondance.

Que l'Empire Ottoman se rassure, la France ne signera hors d'Europe aucun traité concernant notre continent. Nous serions ravis, en revanche, de participer à une conférence à Athènes en présence des seuls grands états concernés par la faiblesse actuelle de l'Empire: les Ottomans, la Prusse, la Russie, l’Autriche, et la Grande Bretagne et la France bien entendu, ainsi que la Grèce, comme état observateur.

Cela facilitera les discussions et évitera que l'on demande au Roi des Sikhs son avis sur la situation grecque.

De plus, autant une conférence devant établir des procédures diplomatiques communes n'a pas un intérêt fondamental pour le Royaume (le Roi se foutant bien royalement de la couleur des nappes dans les ambassades), autant une conférence remettant en cause les frontières européennes impose la présence de nos plus grands ministres et notre plus grande attention. Nous proposons d'organiser en Europe une conférence restreinte sur ce sujet, par exemple à Athènes, où ne seraient invitées que les nations d'importance.

En ce qui concerne la protection des ambassades, la monarchie française, ne trouvant pas le sujet intéressant (dans les cercles diplomatiques français, on se moque doucement du Roi de Prusse, qui abandonne son pays pendant un an pour aller discuter outre atlantique de la couleur des chaussettes des ambassadeurs),  signera n'importe quel traité faisant consensus tant qu'il assure effectivement la protection de nos ambassadeurs.
La façon la plus efficace d'assurer leur protection, restant, de l'avis des plus proches conseillers de Sa Majesté Charles X, l'assurance que tout État qui s'en prendrait à l'un d'entre eux recevrait dès que possible une "visite" de l'armée française.

Mais sinon, et c'est la seule proposition que ma délégation fera, plutôt que d'imaginer des systèmes complexes comme une organisation internationale en charge des ambassades ce qui est absolument irréaliste au plan technique à notre époque, nous proposons de donner valeur fondamentale à l'extra territorialité des ambassades et à l’intégrité physique des représentants d'autres États.

François 1er Empereur d'Autriche se déplacera en personne à Athènes pour la conférence et afin de rendre une visite au souverain grecque. Il ajouta "Il plaît à Dieu que le cœur battant du monde se trouve en Europe. En conséquence, en adéquation avec notre cousin de France, nous ne saurions concevoir que l'avenir de l'Europe soit impacté par les avis de nations à peine civilisées.".

Léopold Ier de Grèce annonce qu'il sera bel et bien présent au congrès ... d'Athènes. Le prince ne peut s’empêcher de sourciller à la lecture de son annonce.

"QUOI ?!"

Andrew Jackson frappe du poing sur la table et se lève, le visage ferme et le regard noir.

"Il ne sera pas dit qu'un de mes invités m'insultera et insultera mon pays de la sorte ! Vos propos sont honteux et indignes du rang que vous devriez avoir et représenter !"

Pointant du doigt la délégation autrichienne, il se mit même à crier.

"L'honneur exige que je vous provoque en duel ! Soit vous assumez les conséquences de vos paroles insultantes et irresponsables, soit vous quittez la table ! Et s'il faut que je vous gifle pour que vous considériez le duel, comme le veut la tradition, je m'empresserai de le faire ! Si vous avez une quelconque forme d'honneur, alors bombez le torse et sortons !"

Il hurla à un serviteur de lui amener une paire de gants, tout en continuant de fixer le représentant autrichien.

Tandis qu'Andrew Jackson hurle, crie et tempête, le Maharajkumar se lève et prend la parole de sa voix calme et pondérée, quoi qu'avec un sourire malicieux au coin des lèvres.


Au nom du Maharaja Ranjit Singh, je ne peux qu'approuver les déclarations de la France et de l'Autriche. Comment pourrait-on demander à des pays qui ne sont pas concernés par les affaires d'un pays de déclarer quoique ce soit à son sujet ? Il n'y a, après tout, pas plus de Sikhs qui vivent en Grèce que d'Autrichiens qui vivent au Penjab.

Il salue par ailleurs leurs déclarations, qui indéniablement lui reconnaissent le statut de puissance civilisée et concernée par les situations régionales. De la part de pays comme l'Autriche et la France, si empreints de multiculturalisme et qui ont forgé leur unité sur un idéal plus que sur une couleur de peau ou une religion, le Maharaja considère ces mots comme une validation du désir des Sikhs de rassembler les gens de bien, sans se préoccuper de leur peau ou de leur religion, car notre chemin vers la Vérité diffère parfois, mais le but est toujours le même.

Parmi les diplomates français, on chuchote, on s'agite, on se trouble.. on regarde avec de gros yeux ronds le Président Américain. On lit dans leurs yeux la stupeur, l'étonnement, le choc même pour certains. D'autres, un sourire aux lèvres, tentent d'interpréter :

- Quel malotru, ainsi dévoiler ses émotions en plein congrès, et se mettre à hurler !
- N'oubliez pas, mon cher, la vie ici est plus dure, les gens souffrent ! La civilisation n'est pas aussi avancée que chez nous, comprenez leurs coutumes, ce pauvre bougre ne voulait pas nous choquer !

"L'Empereur Nicolas de Russie enverra très probablement des représentants au Congrès d'Athènes, mais il saurait opportun de fixer une date. Probablement au cours de l'année prochaine, celle-ci étant déjà bien entamée."

"Souffrez, messieurs, que je sois prêt à défendre ma nation, à défendre son honneur ! Je me suis battu pour ma nation, je continue de me battre pour ma nation, je mourrai pour ma nation s'il le faut ! Avez-vous assez d'honneur et de courage pour en faire autant pour votre nation ?!"

Andrew Jackson attrape la paire de gants de cavalerie empruntée à un officier, avance à grand pas jusqu'au représentant français, et le gifle. Il poursuit et fait de même avec le représentant autrichien.

"Si vous n'êtes pas capable de discuter sans insulter vos interlocuteurs, alors acceptez le duel, puisque c'est ce que vous attendez, ou ne venez pas ! Entre gens civilisés, la courtoisie et le respect sont de mise. Et vous n'avez ni l'un, ni l'autre. En garde, ou partez !"

Se tournant vers un serviteur médusé, il hurle.

"Faites préparer quatre pistolets et allez me chercher mes témoins !"

Les dignitaires Piémontais, restés plutôt silencieux jusque là, observaient avec minutie les différentes interventions, analysant les réactions, les arguments évoqués, les regards insistant d'un géant finnois envers son homologue russe, etc.

Alors qu'il se préparait à se lever pour prendre la parole, voici qu'une série d'insultes diplomatiques venaient d'être proférées, tandis que notre hôte, le Président Andrew Jackson, que le dignitaire piémontais n'a même pas eu le temps de remercier correctement pour son accueil, venait à exploser, provoquant en duel les prestigieux dirigeants Autrichiens et Français. Sentant que les choses allaient se gâter, la délégation piémontaise s'écarta très lentement et très discrètement des débats et se cala dans un coin ombré de la pièce, laissant les grands de ce monde gérer leurs affaires.

Toutefois, à la fois fascinés par les ballz du Président américain et intrigués par la suite des évènements, les dignitaires piémontais laissent s'échapper un petit Mamma Mia !
du coin de leur pièce

La France ne se laissera pas offenser par quiconque manquant à ce point de convenances, s'amusant à espionner nos conversations privées pour ensuite s'énerver à cause de ce qu'il entend. Je ne faisais qu'expliquer à mon ami en quoi vos façons pouvaient le troubler, ne le prenez pas mal.

Reprenez votre calme, je vous en prie, et poursuivons les discussions (chiantes ).

Le noble autrichien se lève, puis ricane avant de s'exclamer: "Je vous prie de bien vouloir garder votre calme, ces mots ne vous étaient pas destinés mais ciblaient les émissaires Sikhs. Cependant, il est légèrement amusant que vous vous soyez senti concerné."

Ceci dit, le Maharajkumar est très heureux de se savoir défendu par Andrew Jackson. Il regrette cependant que les autrichiens se sentent obligés d'insulter d'autres participants à ce Congrès.

S'adressant à l'émissaire français, Andrew Jackson ne décoléra pas.

"Vous êtes à la table d'une réunion internationale et vous représentez votre pays ! Je ne tolèrerai pas que vous manquiez de respect à la nation américaine par des propos tels que ceux tenus par votre ami autrichien ou tel que vous semblez tenir ! Si vous ne savez pas tenir votre langue et ne pas insulter votre hôte, alors je prie pour que vous ayez d'autres qualités qui puissent expliquer que votre souverain vous ait choisi pour être ici. Mais nous ne les verrons pas aujourd'hui, retournez donc sur votre piédestal et quittez le territoire américain."

Le président fait signe à un garde de s'approcher.

"Cet officier vous ramènera à vos quartiers et organisera votre retour jusqu'à votre navire."

Se tournant ensuite vers Sir Charles, le président fit quelques pas, mais se retint de tout geste déplacé.

"Vous êtes généreux de qualifier de "maître dans l'art de la discussion" un émissaire qui traite son hôte de "nation à peine civilisée". Ne trouvez-vous pas que défendre son honneur et celui de son pays est un exemple à suivre ?! Je ne peux que déplorer votre manque d'attachement à l'honneur."

Entendant finalement la réponse du dignitaire autrichien, Andrew Jackson fit volte-face, franchit à grandes enjambées la distance qui les sépare, et gifla à nouveau le noble.

"C'est justement parce que je suis civilisé que je ne vous tue pas sur place pour ce flot d'insultes qui sort de votre bouche. Les persifleurs ne sont pas bienvenus à cette table de gens courtois venus discuter entre gens de bonne compagnie ! Quand vous saluez qu'une liste exhaustive soit faite pour différencier ce que vous considérez comme les "nations à peine civilisées" des autres, ne vous étonnez pas que ceux qui ne font pas partie du groupe que vous avez désigné comme étant le bon s'en offusque ! Maintenant, sortez ! Ou décidez-vous à accepter ma demande de duel."

D'un signe énervé, il appela un second officier qui se posta à côté du représentant autrichien pour l'inviter à sortir. Le président américain retourna ensuite s'assoir, le regard plus noir que jamais, et scruta l'assemblée.

"Bon, on peut reprendre sur les ambassades ? Ou quelqu'un souhaite encore insulter la moitié des participants de cette réunion ?"

Une expression éberluée sur leurs visages, les membres de la délégation russo-finno-polonaise regardent tour à tour le fort peu diplomate français se faire renvoyer, puis le représentant britannique se faire remonter les bretelles, et enfin l'envoyé autrichien se faire corriger comme un malpropre avant le retour du président Jackson à sa place, fier et digne. Ils reportent ensuite leur regard sur l'ambassadeur autrichien et lâchent d'une seule voix "Popopooo !"

Outré par tant de sauvagerie, le dignitaire autrichien tourne les talons et enfin sort de la pièce. Il n'accepte que les nobles duellistes. Il suit le Royaume de France vers la sortie et jusqu'au navire.
L'Empire d'Autriche se retire de la conférence de Washington.

La France annonce son intention de tenir dès cette année une conférence parallèle avec les États qui refusent les manières douteuses du président américain, pour établir un système commun des usages diplomatiques.


Nul doute que nos alliés britanniques et autrichiens nous suivront.

Il en va de soi que le Maharaja de l'Empire Sikh sera très certainement ravi d'envoyer un émissaire à cette conférence concernant les usages diplomatiques, puis qu'après tout celle-ci n'a pas de buts concurrentiels avec le Congrès de Washington.

Il en va de soit que François 1er Empereur d'Autriche sera ravi d'assister à la conférence de son cousin français sur les usages diplomatiques.